14 juillet 2022.

Cela fait peu de temps que ta vie a changé. Tu ne sais pas de quelle manière exactement, mais tu sens que tout est différent.

Tu ressens la vie de gens que tu ne connais pas. Tu ne les as jamais connus, pourtant vous semblez reliés, tous ensemble, à la même attache. Une personne autour de laquelle vous semblez graviter. Danaé Aoibheann.
Tu as pu rencontrer certaines de ces personnes. Tu as pu comprendre, au moins en partie, tout ce foutoir. Mais soyons franc, tu as encore du mal à encaisser tout ça.

Cela fait maintenant un peu plus de quinze jours que tu es entrée dans cette histoire. Cela en fait beaucoup moins que tu sais que Danaé est à l’hôpital, entre la vie et la mort. Tu es allé la voir, une fois. Tu ne savais pas comment t’y prendre. Alors tu n’es pas rentré dans la chambre. Tu es restée, là, comme une conne, dans le couloir, à regarder cette jeune femme endormie sur son lit.

Ton corps entier te criant de l’aider en combattant une douleur intérieure inconnue. Tu ne savais pas quoi faire. Tu n’es pas médecin, tu n’es pas de la famille, et ta magie ne peut guérir.

Oui, car tu possèdes des pouvoirs maintenant. Tu pensais que la magie n’était que dans les films et les livres, mais visiblement elle existe pour de vrai. Et contrairement aux héros de ces aventures imaginaires, tu n’as ni une force surhumaine, ni des pouvoirs de guérison incroyable et encore moins la capacité de voler ou de se déplacer rapidement. Tu peux juste berner l’esprit. Hilarant non ?

Pendant des années, tu as cru berner tout le monde avec de faux sourire, des faux-semblants et des oui à la place des non et inversement ; maintenant, tu as la capacité de réellement duper les gens.

Toi qui es issu d’étude scientifique, tu as du mal à rationaliser tout ça. C’est étrange. Inhabituel, hors du monde et du temps. Mais après tout, tu n’es plus à ça près maintenant. Tu es tellement en quête d’un avenir que le moindre signe de l’univers te permettant de trouver un chemin praticable te semble être possible. Alors, pourquoi pas ?

Quelque chose de bien plus grand que toi t’as choisi toi, Hyzma Deroze, pour aider Danaé Aoibheann. Alors tu trouveras un moyen. Tu sens sa souffrance, tu sens sa vie tanguer à chaque instant, tu ressens la détresse, et ça te dépasse de tellement loin. Tu en es persuadée. Tu dois… Non… Tu trouveras un moyen pour qu’elle aille mieux.

15 juillet 2022

Tu es assise par terre. Tu as adossé contre une tombe ; l’épitaphe dit « Mathieu Deroze. Un fils. Un frère. Mais surtout un garçon au grand cœur ».
Tu pleures toutes les larmes de ton corps tandis que tu regardes le ciel. Il n’y a pas d’étoile ce soir, le temps est trop merdique ces derniers jours. Tu essayes de trouver un refuge dans l’infini au-delà.
Tu es complètement dévastée.

Elle est morte.

Tu le sais. Tu la ressentis. Pas comme si on te plantait une lame dans le corps, mais plutôt comme si on te la retirait brusquement. La douleur a disparu, laissant place à une immense tristesse. Il n’y a aucune place pour le soulagement, que de la déception.

Tu es déçu de toi. Tu es à bout. Tu as envie de crier, mais tu es rentrée dans le cimetière en dehors des heures d’ouverture et quelqu’un pourrait debarq… Tu t’en fous. Tu cries. Qu’est-ce qu’ils vont faire ? Te foutre dehors ? Qu’ils le fassent, tiens. Après tout, tu n’auras qu’à dire que tu es venue voir ton frère, que tu en avais besoin, ce qui n’est pas complétement faux.

Tu voulais vraiment l’aider. Tu as pu obtenir des informations sur son dossier médical, tu as fait des recherches, beaucoup de recherches, mais tu n’as rien trouvé. Tu n’avais rien trouvé, pour l’instant ! Il t’aurait fallu peut-être un peu plus de temps ? Mais tu n’en as pas eu.
Alors tu t’en veux à toi. Tu en veux à l’univers entier. Pourquoi t’amener dans cette facette du monde pour finalement…. Ça.

Il n’y a que le silence. Il n’y a que tes pleurs. Et ce lien, qui te rattache aux autres. Ils sont dans le même état que toi. Ça se sent. Tu n’es pas seule. Vous n’êtes pas seul. Ils se connaissent depuis plus longtemps, ils connaissaient Danaé depuis plus longtemps. Et toi, t’es là, à t’apitoyer sur ton sort alors qu’ils doivent bien plus souffrir que toi. Tu ne l'a connais que depuis quelques jours mais tu as l'impression que ca en fait des milliers.
Mais tu as la rage. La colère de n’être qu’une incapable. On t’a appelé pour de l’aide, et tu n’as rien pu faire. Tu n’as rien su faire.

Alors tu pleures, car rien ne permet d’atténuer ces sentiments.

Tu te réconfortes en créant l’image de celle que tu devais sauver. Elle est devant toi, elle te sourit. Tu n’as pas besoin qu’elle parle, tu n’en as pas envie. Tu as sûrement peur de ce qu’elle pourrait dire de toi.
Elle est là. Tu te fais du mal, tu le sais. Mais tu ne peux t’empêcher de l’imaginer… Vivante, devant toi.

Tu la regardes, alors que les larmes coulent le long de tes joues et viennent s’écraser sur le sol humide du cimetière, tu prononces quelques mots à son égard.

-Je suis désolée.

Tu veux la prendre dans tes bras pour l'aider... pour t'aider. Mais c'est impossible. Elle n'est pas réelle.
Elle est morte.

Alors tu répètes, en boucle, ces mots. Elle qui sourit. Toi qui pleures.

- Je suis désolée... Je suis tellement desolée...