Elle s'attendait à... Autre chose.
Autre chose que ces murs blancs et ce sol parfaitement propre.
Autre chose que ces spots au plafond qui produisent autant de lumière que d'ombres.
C'est aussi décevant que rassurant et elle se sent si bête d'avoir pensé qu'il y aurait mieux à voir.
Il y a quand même une surprise. Une personne qu'elle pensait être ailleurs, du genre dans la pièce qu'elle vient de quitter. C'est absurde, comment iel a fait pour arriver...

Raphaëlle interrompt elle-même sa pensée inutile. La laisse derrière elle volontairement pour mieux s'enfoncer dans le mystère. Après tout, elle ne se sent pas en danger ou prise en faute, inutile d'être si méfiante. Pas vrai ? On ne se fait pas assassiner dans une galerie d'art avec autant de témoins présents.
Des témoins venus, eux aussi, pour avoir des réponses. Appâtés par la vérité ou le besoin d'apaiser une inquiétude. Complices et victimes, comme elle. Un frisson lui mord la nuque et elle sourit.

— Difficile de jouer à un jeu dont on ne connait aucune règle, soupire-t-elle en repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Sans hésiter - du moins en apparence - elle va s'installer sur la banquette et croise les jambes

— Je suis curieuse de savoir de quels projets et idées vous parliez dans votre invitation. Mais plus encore de savoir comment vous m'avez retrouvée.

Polie, souriante, assurée. Nerveuse. Dévorée de curiosité.

Mamie a suivi Fray sans vraiment réfléchir, parce qu'il est le seul qu'elle connaît ici et qu'elle lui voue une confiance aveugle, parce qu'il sait où elle habite si elle ne le sait plus, parce qu'il connaît Milan enfin. Alors elle a passé la porte, un peu hésitante. Un peu en retrait du groupe, elle observe les lieux, leur hôte, écoute ce qu'il a à leur dire et les deux jeunes femmes prendre la parole à leur tour. Elles n'ont pas froid aux yeux, ça la fait sourire. On dirait moi plus jeune, pense-t-elle. Ça, elle s'en souvient bien.

Elle se rapproche de Fray, l'appelle à mi-voix pour attirer son attention.

– Fray, mon délice chocolaté… Tu ne trouves pas tout cela un peu bizarre? C'est peut-être la vieille conne en moi qui parle, mais…

Mais j'ai l'impression d'avoir affaire à Ether.

CHOIX : DEMANDER UNE NOUVELLE m̷̜̔ḁ̸́ȉ̷͓n̸͉̕  ?

Fray est tendu. Dans quel merdier s'est-il encore fourré ? Il aurait dû tourner les talons et se barrer, en fait, il n'aurait pas dû aller à ce putain de vernissage de merde. Il adresse un regard à Margaret sans rien répondre, mais ses yeux se lisent comme un livre ouvert.

J'ai pas de question sur mon père, les mots sortent douloureux, ça lui en coûte. Vous savez quoi ? Je me casse.

Ceylan va le détester, à priori. Mais ce qu'il se passe là... c'est non. Niet. Deux verres rouges, deux yeux rouges lui reviennent en tête - Fray a envie de rester hors de tout ça. Moins il en sait, mieux il se porte. Il n'a pas de question sur son père : il sait ce qui l'a tué.

Raphaëlle hausse vaguement les épaules avec une expression neutre.
Menteur.
Il ne faut pas être un génie de l'informatique pour la retrouver, mais ce n'est pas non plus aussi facile que de cliquer sur 2-3 liens. Elle a quelques protections, on lui a donné un coup de main pour ça. Il faut se donner, malgré tout, un peu de mal pour remonter la piste. Aucun doute que la police pourrait y arriver en deux temps trois mouvements, cela dit.
L'angoisso-mètre fait des bonds dans sa poitrine, mais elle reste sereine en apparence, comme si l'éventualité que cela arrive ne lui faisait ni chaud ni froid. D'un autre côté, elle n'a pas l'impression qu'il la menace.
Difficile de s'empêcher de regarder ces étranges et formidables yeux rouges.

La jeune femme suit le reste des échanges avec un intérêt grandissant. Il faut qu'elle fasse un gros effort de mémoire pour associer les noms qu'elle entend et les informations qui correspondent à chacun, mais elle se dit que ça en vaut la peine. Aucune idée de ce que sont les "étoiles" ou les "liés", on dirait des noms de code, mais leur hôte l'a dit lui-même : tout le monde n'est pas au courant. Ce qui implique que certains le sont... Ses yeux bondissent d'un visage à un autre, capturant des images mentales de tous les invités présents. Et ces prunelles rouges.

L'un demande qu'on lui rende quelque chose, l'autre signale qu'elle n'est venue que pour s'enquérir d'une amie. Que peut-il y avoir de dangereux à un vernissage ? Celui-ci est certes un peu original, mais pas de quoi sombrer dans une telle paranoïa. Pas vrai ?
Une troisième personne, visiblement mécontente, annonce qu'elle préfère partir. Quelle idée ! Tout est si intriguant, pourquoi faire demi-tour et laisser le mystère intact ?

— Puisque la liste de vos invités risque de s'amenuiser si certains partent, peut-être aurez-vous un peu de temps à m'accorder tout à l'heure pour un portrait ? Après tout, ce sont bien mes photos qui me valent d'être ici. Et vous avez des yeux magnifiques, ronronne-t-elle en souriant. En échange, je renonce à savoir comment vous m'avez trouvée et me contenterai de découvrir pourquoi vous vous êtes donné cette peine.

Sa voix ne trahit pas toute la fébrilité qui l'anime. Elle aurait dû faire actrice et non mannequin.

Il se passe trop de choses, il y a trop de monde. Des gens se lèvent, s'assoient, entrent, prient, supplient, posent des questions. Et Fray l'ignore, toute son attention tournée vers l'hôte, le poil gonflé de colère à la mention de son père. Mamie perd le fil. Mamie n'aime pas ça.

Mamie ne l'aime pas.

Elle n'aime pas se faire appeler ma chère Margaret par un inconnu. Elle n'aime pas ceux qui en savent trop. Elle n'aime pas ceux qui promettent monts et merveilles.

… C'est faux. Elle aimait Ether. Et elle n'aime pas qu'on lui vole sa place.

– Premièrement, mon cher ami, c'est Madame Carpender. Andrew n'est pas mort pour qu'on me donne du Mademoiselle.

Elle a sorti l'invitation de sa poche et s'avance pour la plaquer sur le torse de l'homme.

– Deuxièmement, n'allez pas me faire croire que vous nous proposez tout cela par pure bonté d'âme. Je viens des Chiens de Chasse, j'ai longtemps fréquenté notre ami commun, je sais comment tout ça fonctionne. Dites-moi ce que vous voulez en échange et alors, nous pourrons marchander.

CHOIX : DEMANDER CE QU'IL VIENT DE SE PASSER.

Blague. Fray gronde tout bas, félin enragé. Peut-être que c'était pour le mieux, peut-être que c'était pour le bien commun - mais il avait toujours été particulièrement égoïste, et son esprit reconnaît tout de suite le lien qui le lie à cette chose, sans jamais avoir connu pareille sensation. Il n'accepte pas ce lien, fait un violet rejet, impassible.

Rien ne lui paraît plus accueillant que le Casino Aquila à cet instant précis, rien ne lui paraît plus hostile que les yeux rouges - pourtant, il ressent tout, il ressent ce lien, il ressent la loyauté et l'envie de plaire.

Un dernier regard - et il part en claquant la porte.

Se retrouver au centre d'une assemblée tendue et visiblement plus au courant qu'elle de ce qui est en train de se passer, peut provoquer aussi bien de la frustration que de l'inquiétude. Et cela n'arrange pas les choses que l'un des invités se mette à hurler. Raphaëlle n'apprécie pas cette partie du spectacle et se lève brusquement pour s'éloigner de quelques pas.

Le maître de cérémonie n'oublie personne lorsqu'il répond, s'ouvrant à chaque participant avec une relative bonne volonté. Ce qui n'assure pas toujours la coopération des invités puisque l'un d'eux préfère partir. Il accepte même de poser pour quelques photos, à la condition de ne pas apparaître en ligne. Dommage... Mais il rejoindra sa collection privée, celles des clichés étranges ou uniques qu'elle garde pour elle-même.
Raphaëlle hoche la tête en guise de remerciement, puis sort son téléphone portable lorsque l'attention se porte sur quelqu'un d'autre.

Bloc Notes :
Galerie des Goélands - 15.05.22 ~21h
Decoeur - désespéré, a perdu quelque chose, cris
Yharnam - père ? pbm couple ? parti
Giesler - peur pour son amie
Amie - meurtre de sa soeur (!?)
Margaret - du temps avant d'oublier

Mémoriser les noms est devenu un réflexe. Dans son milieu, il vaut mieux se rappeler des gens pour éviter de froisser des égos. Certains détails lui manquent, mais peu importe. Elle ajoute les mentions "étoiles" et "lié" sans pouvoir les relier à quoi que ce soit. Internet répondra certainement à ses questions lorsqu'elle sera rentrée.

Au moment où elle va ajouter un nouveau point d'interrogation, l'une des invités parle de nouveau de ce "lien" et semble décontenancée. Mince, le temps de pianoter quelques mots et Raphaëlle a déjà manqué quelque chose ? Mais s'est-il seulement passé quelque chose ?
À nouveau, elle se sent mise à l'écart par son manque d'informations et de connaissances. Quelque chose se joue dans cette pièce et elle est en train de manquer la moitié de ces enjeux.

Oh et puis zut ! Elle ne veut pas avoir l'air bête plus longtemps.
Elle fait un pas pour revenir vers la banquette et s'adresse à Gentiana :

— Excusez ma question sans doute un peu naïve, mais qu'est-ce que signifie "être lié" ? Vous venez de dire que vous l'êtes... Est-ce que c'est une bonne chose ?

Un léger trémolo inquiet vient tordre la fin de sa phrase.

– Fray!…

La porte se referme en claquant.
Fray est parti.

Mamie sent le monde s'effondrer autour d'elle.

La panique surgit de nulle part. Il était le seul qu'elle connaissait ici, il l'a ignoré tout du long, maintenant il n'est plus là et Mamie a peur, elle ne sait plus où elle est tout à coup, elle a la tête qui tourne, le cœur qui bat, des gens parlent tout autour d'elle des phrases qui n'ont aucun sens, Fray, au secours, reviens me chercher, où est la sortie, où est Milan, où est Charlotte, où est Andrew,

où est Morgan?

Quelqu'un crie. C'est elle.

Elle est par terre. Elle vient de tomber.

Elle pleure comme quand elle avait quatre ans et qu'elle avait perdu sa mère.

Elle pleure parce qu'elle a tout perdu.

Parce qu'elle perd

t o u t

et qu'elle ne comprend plus rien.

… un peu plus de temps…

– Mais qu'est-ce que?…